Il était 9h. Elle sortit sur la terrasse, s’assit dans l’un des fauteuils et ferma les yeux.
Il lui sembla qu’une vague de soleil déferlait sur elle et, tout alentour, sur la terre en attente. Pluie d’or fécondant la déesse-mère…. bain vivifiant pour les citronniers et les orangers dont le parfum l’enlaçait.
Elle ressentait une chaleur bienfaisante et la brise, complice de Phébus, la caressait par moments d’un voile de fraîcheur trompeuse. Comme suspendue dans une bulle, une matrice aérienne, elle se sentait envahie d’une douce torpeur. Et ce divin engourdissement lui faisait oublier toute prudence. Une petite voix insistante la tançait, voix de la Raison, qui jamais ne sommeillait bien longtemps. Bouger. Il faut bouger. Résister à l’envoûtement.
Le discret harcèlement porta ses fruits. Elle se leva lentement, essayant de retarder le plus possible les retrouvailles avec la lourdeur des souvenirs. Puis elle s’enfuit à l’ombre où, dans un bain de vent, elle put garder à distance ces importuns. Lasse, elle s’assit sur un bout de rocher qui affleurait au pied d’un mûrier imposant. Le tronc, lui aussi, avait été soumis à la caresse impérieuse du vent au fil des ans et en portait la marque par de grands sillons sculptés dans son écorce. Attirée, elle s’adossa à ce torse robuste, se plaqua contre lui jusqu’à sentir une force apaisante la rasséréner. Elle se laissa bercer par le bruissement des feuilles ; ses yeux buvaient du vert, du bleu, et ces teintes froides la revigoraient, rafraîchissaient tout son être.
Comme elle regagnait la petite maison rose, les courbes dociles des chardons et des herbes au passage du vent lui enlevèrent un poids de l’âme : « Laisser glisser » murmura-t-elle.
Suzanne D., Sicile, une île pour écrire, mai 2017
Les commentaires sont verrouillés, mais les trackbacks et les pingbacks sont accéssibles.