Au bar des algues, à Locquirec, le premier lundi de chaque mois, à partir de vingt heures, a
lieu le café philo, où il est débattu d’un thème par soirée, en alternance avec la vie et
l’œuvre de philosophes célèbres. Clément d’Alexandrie, Denis l’Aréopagite, Socrate, Platon,
et bien d’autres encore y avaient été conviés.

Mais ce soir-là, la question à débattre était de taille, et c’est la raison pour laquelle le
principal intéressé s’y était invité, de manière totalement incognito, le plus anonymement
possible et il avait hâte que les débats commencent, pour en apprendre plus sur lui-même.

Les mains croisées sur le ventre, dont il avait jugé bon de se doter pour la circonstance, dans
une attitude qu’il s’était soigneusement choisie après moults cogitations et tergiversations,
assis à une table tout au fonds du café, il ouvrit bien grandes ses nouvelles oreilles, lorsque
l’animateur énonça enfin le thème de la soirée : « Chers amis ce soir nous voilà réunis à
nouveau pour tenter de répondre en toute modestie à LA grande question que se pose
l’humanité entière depuis la nuit des temps, à savoir : Est-ce que Dieu existe ? « Que les
débats commencent et attention, ne vous battez pas, restez courtois et ne coupez pas la
parole à vos voisins ».

Dieu était aux anges, enfin il allait peut-être savoir si il existait, car il avait à ce sujet quelques
doutes, qui, au fil des siècles, n’avaient fait que croitre.

Qui suis-je  vraiment, moi que l’on nomme Dieu ? Des noms j’en ai à revendre, mais est-ce
bien sérieux ? Est-ce que j’existe vraiment ailleurs que dans l’imagination des hommes, que
j’ai soi-disant créés ?

Les débats allaient bon train, tout y passait « Dieu est mort, vociféraient Nietzsche et ses
partisans, pensez au pari de Pascal, à la Bible, aux miracles, aux grands moustiques, pardon
mystiques » ; de toutes les tables fusaient les arguments des plus solides aux plus
fantaisistes.

Dieu lui-même y perdait son latin, lui qui soi-disant était omniscient et omnipotent, avait
laissé toute faculté de jugement et d’entendement.

Les ténèbres du doute et du Néant absolu l’encerclaient. Il ne parvenait plus à utiliser sa
Lumière de Connaissance pour s’éclairer lui-même !

Quelle preuve véritable et solide pouvait il vraiment avancer pour se rassurer sur son
existence  divine ?

Il ne savait plus à quel saint se vouer, tous des marionnettes, des fantoches inventés par les
humains pour x mauvaises raisons. Dieu pensait « c’est fini, je ne crois plus en moi, je
n’existe pas ».

Cette terrible réflexion parvint, à travers le temps et l’espace, jusque ‘aux oreilles de la
colombe Esprit Saint, qui prit illico l’affaire en main ou plutôt en pattes.

Elle vola donc à tire d’aile jusqu’à Dieu, qui commençait déjà à être happé par le Néant et le
chaos, se percha sur la divine tête et, en équilibre précaire sur le crâne de Dieu, le couvrit de
toutes les déjections et fientes que son corps voulut bien produire. « Et là, murmura-t-elle
aux divines oreilles, oses-tu encore douter de ta divine existence, Dieu de peu de foi, honte à
toi, heureusement que je veille au grain, ne me refais plus jamais ce coup-là, que je ne t’y
reprenne pas, les crises de foi c’est bel est bien terminé, ça n’est pas pour toi tu n’y as pas
droit, nom de Dieu ! »

Dieu, honteux et confus, jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.

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Michèle B, Locquirec, À la suite des contes et légendes (juillet 2022)