Quand je rentrerai, je sais que je ferai de la confiture de framboises. Ce sera tôt le matin. Je
n’écouterai pas la radio… Je reviendrai à Fertans.
Je tournerai la poignée de mon moulin à légumes, la lame écrasera les fruits bien mûrs sur la
grille fine. Le jus odorant coulera dans le saladier et moi je serai avec les petits veaux du GAEC
du Mont Barbier aux boucles d’oreilles colorées et aux grands yeux doux.
J’écouterai Thomas expliquer la salle de traite. Je verrai au-dessus du rouge des framboises le
doré de la paille d’orge répandue en couche épaisse pour le bien-être des vaches.
L’odeur puissante du regain dominera un instant le parfum des framboises écrasées.
Et quand j’aurai versé dans ma bassine le jus brillant, le sucre clair, le citron rafraîchissant et
que je porterai à ébullition sans cesser de remuer, j’irai sous la houlette de Bérangère à la
découverte du jardin de Zélie, des semis bien abrités, des cultures en plein champ, des
multiples variétés qui s’épanouissent sous serre.
Le jeu des formes et des couleurs m’enchantera à nouveau.
Je revivrai les découvertes de ce matin ensoleillé : les plants de cacahuètes, le sarrasin aux
délicates fleurs blanches, les impressionnantes et rigolotes courges massues, les larges feuilles
de curcuma au vert si tendre, les longues feuilles effilées du gingembre.
Je chercherai à nouveau sous l’épais feuillage le violet foncé des aubergines dodues.
Je m’attarderai au rouge clair des piments.
Le minuteur retentira. Cuisson achevée pour ma confiture de framboises. Je reviendrai alors
dans ma cuisine. Je me concentrerai sur ma mise en pots.
Et cet hiver, quand j’ouvrirai un pot de confiture de framboises, je sais que le GAEC du Mont
Barbier et le jardin de Zélie viendront habiter ma cuisine.
Raymonde C, Fertans, Sens du goût (septembre 2023)
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