C’est une expérience faite un soir au stage de Pont Audemer en Normandie. Il ne s’agit pas d’écriture mais de lecture., d’une approche de la langue d’un auteur à expérimenter avec un groupe. Le texte de départ est un des derniers récits écrit par Flaubert : Un cœur simple, l’histoire de la servante Félicité dans la région de Pont l’évêque. Flaubert était un ciseleur de l’écriture, il faisait passer ses phrases à l’épreuve du « gueuloir » : c’est un peu ce que nous vous proposons.
Un cœur simple est un texte assez court, nous aurions pu le lire de bout en bout, nous avons procédé autrement. Pour l’animateur, une petite préparation : photocopier un exemplaire de tout le texte et découper au fur et à mesure de la lecture des petits ensembles de quelques phrases . Ce qui guide le choix n’est pas le début ou la fin de l’épisode mais la langue, on sent à la lecture que ça sonne ; parfois même c’est une seule phrase, celle qui a roulé dans la « gueule » peut être. On parcourt ainsi tout le texte en découpant des petits fragments. Quand on a fini on met le tout dans une enveloppe..
La suite, avec le groupe, c’est de renverser l’enveloppe sur la table, mélanger l’ensemble, et proposer à chacun de prendre au hasard quelques fragments. Un moment pour lire chacun pour soi, et après on va à l’aventure sans chercher à reconstituer le récit initial, au feeling : chacun lit quand il sent que son fragment sonne avec le précédent. Normalement le silence nécessaire à l’écoute doit s’installer entre les fragments et très curieusement il n’y a pas de frustration concernant l’histoire. Le plaisir est d’entendre la langue dans ses harmoniques, d’être dans le mâchonnement des mots, d’approcher le cisèlement.
Le tout dure environ une vingtaine de minutes.
(2008)