ATTENTE

Il y a déjà longtemps qu’elle attend. Deux heures, peut-être trois. Elle ne sait plus. Fanny devait être rentrée pour midi !
Dans la salle du restaurant, quelques clients sont attablés. La lumière de cet après-midi décline déjà. Il fait encore une chaleur moite qui alourdit les corps.

Son fils aîné s’est endormi, une main sous la nuque, l’autre échouée sur le journal qu’il ne lit plus. Comment peut-il dormir ainsi ! Un mélange de colère et de déception agite son cœur en ébullition, mais elle est comme paralysée par l’attente, l’espoir qui s’amenuise, la peur de rater le moment où la vieille 2CV de sa fille apparaîtra dans le virage, au coin du bistro.

Son fils cadet a perçu le maelstrom d’émotions qui habite et pétrifie sa mère. Son regard inquiet et circonspect passe de la mère au frère endormi. Il sait que, quoi qu’il fasse, il mettra en péril ce moment suspendu où l’espoir est encore permis.

Dix-sept heures. Elle ne viendrait plus. Il ne lui restait que le rêve et le souvenir d’elle. Il ferma les yeux.

La veille, dans un accès de rage elle avait claqué la porte de sa chambre. Une brodée d’insultes et de mots tranchants comme des lames à l’encontre du père avait retenti depuis l’intérieur. Quelques temps avant cette explosion, elle lui avait dit à lui, son jumeau, qu’elle n’en pouvait plus, qu’elle allait disparaître pour de bon.

La mère ne sait pas. Elle connaît le caractère éruptif de sa fille et s’accroche comme une naufragée à la pensée de voir chanter le moteur de la vieille Citroën.

Lui sait que le répit sera de courte durée et qu’il va falloir affronter avec elle le silence et l’absence.

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Mireille C., Trangy, Ecriture et photographie, Septembre 2020